Guillaume verdier

Avec quatre bateaux mis à l’eau cette année (Biotherm, Holcim-PRB, Maître Coq, V&B-Mayenne-Monbana), l’architecte d’Apivia, LinkedOut et 11th Hour Racing Team est de loin le plus prolixe en IMOCA. Croisé sur les pontons de Lorient La Base, Guillaume Verdier nous aide à faire le point sur les tendances architecturales du moment.

Avec la sortie de toutes ces nouveautés, on a un peu de mal à suivre les évolutions ! Qu’est ce qui a fondamentalement changé depuis 2018 et le dernier Vendée Globe ?

« En fait, il faut remonter à 2017. Nous avions réalisé à l’époque une très grosse étude pour ce qui devait être le Volvo One design et qui n’est jamais sorti. La carène issue de l’étude a été celle de LinkedOut et la première paire de foils vraiment aboutie a été greffée sur l’ex-Initiatives Cœur avant le dernier Vendée Globe. Ils ont fait école et on a soigné depuis les problèmes de torsion, d’auto-ajustement, de stabilité. Apivia est une synthèse de tout ça. Charlie l’a particulièrement bien mis au point et fait évoluer avec cette espère d’étrave « ski nautique », ce qui en fait un peu le référent actuel.
Les autres dessins dérivent tous de là… Mais ce qu’il faut comprendre, c’est qu’auparavant, les IMOCA avançaient plus ou moins à leur vitesse de carène. Petit à petit on arrive à des bateaux vraiment planants. Du coup, on est moins intéressé par la longueur de flottaison mais plutôt par l’assiette, le maniement en dynamique. C’est finalement des problèmes de bateaux à moteur. Les skippers évitent le près serré en tirant la barre  pour planer très tôt et au final, c’est la coque qui stabilise le foil, pas l’inverse ! »
 
Sur le plan structurel, un bateau conçu pour courir The Ocean Race est-il nécessairement plus lourd que celui qui privilégie un programme solitaire ?
 
« Les parcours sont proches et on sait qu’un IMOCA en solitaire peut être malmené dans des situations scabreuses… Mais c’est sur des laps de temps assez courts alors que sur The Ocean Race, les bateaux seront poussés à fond sur de longues périodes. On dit toujours que le composite ne fatigue pas. C’est vrai du carbone, mais pas forcément de la résine, donc il faut être prudent. Ça nous stresse quand même un peu cette histoire de The Ocean Race ! On a fait beaucoup de recherches pour aller encore plus loin dans l’approche de la structure, développé de nouveaux outils. On invente des cas de charges qui n’existaient pas avant. On a aussi beaucoup progressé avec le retour de datas que nous avons avec des skippers comme Charlie ou 11th Hour Racing Team qui sont vraiment dans une logique de partage, c’est précieux.  Au delà de l’aspect structurel, les bateaux pour The Ocean Race sont de toute façon plus lourds par leur équipement. Les winches sont plus gros, il y a plus d’électronique de répétiteurs, les débits d’huile de l’hydraulique sont plus importants… »
 
Le Défi Azimut dévoile 3 nouveaux de tes dessins mais aussi un nouveau plan Manuard et un VPLP. Que t’inspire la concurrence ?

«  C’est difficile de commenter le travail des autres. Les safrans de Charal sont intéressants. Ils cherchent un surcroît de stabilité dynamique à la gîte. C’est une voie pour palier l’absence de plan porteur arrière en IMOCA, tout le monde se questionne là dessus... Quant à Malizia Seaexplorer, ils ont visiblement poussé la barre très loin dans le sens du confort et la masse n’a sans doute pas été leur critère numéro 1. C’est original et ce qui est certain, c’est qu’avoir la vision sur l’avant quand tu es à l’intérieur est vraiment intéressant dans le cadre de courses longues… Avec mes camarades dont on ne parle jamais, Hervé Penfornis et  Romaric Neyhousser notamment mais aussi Morgane Schlumberger et Véronique Soulé, nous visons la polyvalence. On essaie de ne pas se mettre dans un coin mais on ne sait pas ce que ça donnera !  En tous cas, ça va être super de voir cette confrontation de bateaux très différents, c’est riche et prometteur …»